Extrême Orient Russe

Par Pascale
Le 12 juin 2008

 

Retour en Russie, retour aux « habitudes » : nous sommes arrêtés deux fois dans la matinée par la Gai (il faut dire que nous sommes à 25 km de la Chine). Le passage de frontière Mongolie/Russie nous prend 2h30.
Etape à Urulga  où Alexei et Peter demandent à leur maman de nous héberger pour la nuit. Dans ce village de maisons en bois, pas d'eau courante. A l'intérieur de la maison, une réserve d'eau, les toilettes sont dans le jardin, dans une cabane en bois.
man-006.jpg
Alexei nous met en route la bania : une autre cabane où un immense poêle à bois chauffe de l'eau. La température des lieux est au maximum. Une bassine pour l'eau chaude, une pour l'eau froide pour se laver.
La maîtresse des lieux travaille de nuit, au petit matin, avec ses copines, elle nous prépare une petit déjeuner super copieux : purée de pommes de terre, fromage (rare ici), lait, pommes, petites brioches. Elle nous dit au revoir les larmes aux yeux.
man-002.jpg
Alexei nous explique que la télé locale nous a filmé et que nous sommes passés à 8 heures. Au moment du départ, les villageois, au bord de la route nous saluent... Un moment de célébrité !
Grosse étape jusqu'à Tchita (500 km) où nous nous préparons à attaquer la partie la plus difficile du début de notre périple puisqu'il n'y a pas de route pendant 2200 kms en direction de Vladivostok.
Davai !

10 juin 2008
Poussière... La Bam (route qui relie le Baïkal au fleuve Amour), route fantôme, en construction depuis 1970 doit faire partie de l'enfer Russe...
Pour planter le décor, le business russe sur cette route consiste à convoyer des véhicules d'occasion japonais et coréens de toute sorte depuis Vladivostok.
En face de nous, un flot interminable de voitures et de camions.
Tout le long de cette piste, des forêts et de temps en temps des cafés et des réparateurs de pneus (on comprend pourquoi, nous avons crevé 5 fois en deux jours).
man-046.jpg
De temps en temps, un village : quelques maisons en bois, des bâtiments détruits, pas d'eau courante. Des hommes, déjà imbibés d'alcool de bon matin, traînent leur ennui.
Etre né quelque part....
Triste Russie que celle-ci.

Nous avons avalé des tonnes de poussière, par le nez, par la bouche, nos vêtements tiennent debout tout seuls, nos cheveux (pour ceux qui en ont...) aussi !.
Durant ces 4 jours, nous avons dormi dans un café, puis sur un chantier entourés de bulldozers.
A chaque arrêt, tous les taons de la Taïga viennent nous voir. Bonjour les piqûres !
Cette région est-elle oubliée ? Est-ce un choix politique ?

Il est vrai que Vladivostok a été ouverte aux Russes et aux étrangers il n'y a pas si longtemps mais quand même !
Dans les cafés, nous mangeons des céréales cuites avec du porc, de la soupe.
Il m'arrive parfois, en roulant, de rêver à une salade de tomates/Mozzarella, à des courgettes ou des aubergines farcies (Allo maman ?), de bohémienne (Allo Luce ?),  voire à un morceau de fromage. Gasp, ce n'est qu'un rêve.

Nous comptons les kilomètres espérant sortir au plus vite et arriver à Vladivostok.
Plus de Photos dans la photothèque

 

Cosmopolite, jeune, chargée d'histoire, Vladivostok nous accueille d'une étrange manière : les hôtels ne veulent pas d'étrangers... Trop compliqué au niveau des papiers ! Heureusement nous rencontrons un jeune Russe, qui nous conduit à un hôtel (dans nos prix) et qui se propose de prendre les chambres à son nom.
Situé au centre de la ville, pas loin du port, cela nous permet de faire les formalités de départ à pied. Nous devrions avoir un bateau pour le Japon ce lundi 16.

Vladivostok qui signifie « Seigneur de l'Est » est située entre le Golfe du fleuve Amour et la mer du Japon. Pics et Péninsules entourent la baie de la Corne d'Or (on dit qu'elle ressemble à celle d'Istanbul). Elle fut totalement interdite aux étrangers et à la plupart des Russes durant toute l'existence de l'URSS.
Un dimanche à Vlad
Nous avons un jour complet devant nous avant l’embarquement, nous profitons d’être au cœur de la ville pour la visiter.
A droite, le delta du fleuve Amour, avec sa fête foraine, ses boîtes de nuit flottantes.
vlad-022.jpg
Des filles en mini (mais mini) jupe, aux jambes interminables, perchées sur des talons également interminables, descendent de Toyota dernier cri conduites par des hommes, rayban sur le nez et portable vissé dans l'oreille.
Non loin, un jeune pousse un chariot qui porte des bidons d'eau, des vieilles maisons en bois sont prêtes à s'écrouler. Que de contrastes dans ce pays !
A gauche, Le port, immense : des brise-glaces, la flotte militaire russe du pacifique, et les bateaux qui ramènent du Japon toutes les voitures que nous avons rencontrées sur la piste...
vlad-032.jpg
Nous prenons le petit funiculaire qui nous permet une vue panoramique de la ville. Nous visitons également la gare, très belle, ornée de fresques. Cette gare accueille le terminus du Transsibérien (le train mythique qui va de Moscou à Vladivostok, 9 289 Km) soit 8 fuseaux horaires.

Dans le port de Vlad, y’a aussi des marins qui…
vlad-063.jpg
 

 

 

Lundi 16 juin 2008

Kafka serait-il Russe ?

La Compagnie maritime est fermée le week-end, elle ouvre le matin à 10 heures et souvenons-nous qu'il y a un seul bateau par semaine, le lundi... donc aujourd'hui.

Episode 1
Il est 9h30 pétantes quand, avec Sylvie nous arrivons devant les bureaux de la compagnie. La « charmante hôtesse pintade » blonde refuse de nous vendre les billets si nous n'avons pas les documents douaniers pour les sides. Elle nous précise également que nous ne les aurons pas dans la journée car très compliqués à obtenir et que de toute façon après 16h30, elle ne vend plus de billets.
Bon, le contexte est posé. Elle nous écrit l'adresse de la douane (qui est de l'autre côté de la ville), et nous prenons un taxi (qui conduit d'ailleurs comme dans le film du même nom).
Nous passons plus d'une heure dans les innombrables bureaux de cette douane et l'on arrive à comprendre qu'il nous manque soi-disant des papiers.
Nous rencontrons Frédéricks, suédois parlant anglais qui nous explique qu'il faut passer par un broker, et que cela coûte environ 5000 roubles. Bien. Il est déjà midi, nous courrons chez ce broker (qui ne parle pas un mot d'anglais), nous arrivons à nous faire comprendre et il nous donne rendez-vous à 13 heures à la douane où nous retournons. Il arrive à l'heure, et par miracle (on a toujours pas compris pourquoi), « l'inspector», en habit militaire, femme style « garde-chiourme, porte de prison » commence à nous faire nos papiers.
Le broker, quant à lui s'en va, sans rien nous demander.

Episode 2
Il est 13h30. Le garde-chiourme nous demande d'attendre une heure pour que nos papiers soient signés. Nous sommes encore dans les temps pour avoir les billets du bateau de ce soir.
Nous voyons défiler des centaines de personnes, des tonnes de papiers à la main : il s'agit des convoyeurs de voitures japonaises croisés sur les routes.
Garder sa patience et son flegme ! Seul, l'officier, gardien des lieux parle un peu anglais. Quand nous lui expliquons la situation, il baisse les bras en disant « c'est la Russie ». Nous le surnommons Mirza.

Il est 15 heures. Toujours pas nos papiers. Je vais voir la garde-chiourme qui refuse de me répondre, elle ne lève même pas la tête.
Je demande à Mirza où est le bureau du « Boss ». Il m'amène au premier étage du bâtiment et me montre un bureau. Changement de décor : moquette, tableaux et photos au mur, nous sommes à l'étage du pouvoir.
Le Boss s'appelle Sergueï Allessandrovitch (son nom est écrit en lettres dorées sur la porte). Je frappe et j'entre. Bureau de 50 m2, deux personnes étonnées de me voir : le boss, assis, chemise blanche avec quelques décorations et un jeune assistant, debout, des papiers à la main. Je prends ma respiration « Good evening Serguei Allessandrovitch, do you speak english ? ». Il me fait signe que oui (mais en fait surtout son assistant) et de continuer. Je n'avais rien préparé, mais tout est venu d'un coup : nos interminables heures d'attente, nos questions sans réponse, le fait que l'on nous traite comme des chiens, l'incompréhension devant ce que l'on nous demande et surtout le fait que dans une heure, nous devons prendre nos billets de bateau, et qu'il est hors de question d'attendre 6 jours pour le prochain.
Deux secondes de silence.
Il sourit légèrement et passe deux coups de téléphone. Son assistant me demande de le suivre. Et là, nous tombons dans la quatrième dimension : nos papiers sont faits en 15 minutes, la garde-chiourme nous regarde, esquisse un sourire, nous propose même du café...
Il est 15h45. Un homme surgit : la quarantaine, parlant parfaitement anglais. Il me dit « suivez-moi, je m'occupe de vous, où sont les motos ? ». Nous montons dans sa voiture, direction le parking du port, où nous attendent depuis ce matin Alain et Michel (qui sont en train de se faire interviewer par la télé locale).
Nous fonçons au terminal d'embarquement, sortons nos bagages et les motos sont prises en charge pour être garées dans le bateau.
Entre temps, l'homme nous amène prendre nos billets. Le bureau est fermé. Il sonne, montre un papier et nous pouvons entrer. La pintade blonde de ce matin nous dit que nous ne pouvons payer par carte bancaire mais uniquement en cash et en dollars...

Avec l'homme, nous courrons à la banque de l'autre côté du port. Il nous faut 2 000 dollars et le distributeur ne donne que des roubles (et pas plus de 5 000 à la fois). Calcul express. Il nous faut 40 000 roubles. La carte bleue internationale chauffe (8 retraits différents). Puis il entre dans la banque, montre son papier et la guichetière lui donne l'équivalent en dollars.
16h30 : retour à la compagnie maritime, nous avons enfin nos billets !
L'homme nous dit brièvement au revoir et s'en va...
Après réflexion (et peut-être sous influence de tous les polars que j'ai pu lire, quoique...), je me dis que cet homme doit faire partie de l'ex KGB. Toutes les portes se sont ouvertes devant lui, sans un mot, juste en montrant ce fameux papier. Je ne saurai jamais. Allo inspecteur Vallander ? (je sais que certains suivent, Luce, Maz, vous êtes là ?).

Ouf... journée nerveusement épuisante mais nous pouvons partir.
    
A l'embarquement, nous retrouvons Frédériks, le suédois.
vlad-075.jpg
Il s'en est sorti à peu près comme nous. Il nous raconte que le mois dernier, un anglais a mis plus de 2 semaines pour pouvoir partir...
Frédériks est photographe professionnel et travaille en free-lance et pour des journaux. En vacances pour trois mois avec son père (qui ne parle plus car il a eu un AVC), il a fait la même route que nous en voiture depuis la Suède, part pour le Japon, puis pour les USA.

A 22 heures (pas mal de retard...), le bateau quitte enfin Vladivostok et la Russie.
vlad-079.jpg
Dans quarante heures environ, le pays du soleil levant.

 

 

 

 

Dernière mise à jour : ( 19-06-2008 )